Les Chroniques de L’Isle-sur-Sorgue N° 12

Meurtre à la biscuiterie

Résumé


Un corps est retrouvé flottant dans la rivière. Il semblerait que l’inconnu ait un lien avec une célèbre biscuiterie de la ville. Alors, crimes crapuleux, espionnage industriel, vieille rancune familiale ?

Pour connaître les mobiles du crime, il vous faudra lire ce nouveau numéro jusqu’au bout.

Chapitre 1


Cette nouvelle journée s’annonçait belle et ensoleillée. La température était agréable, et l’air transportait cette odeur si caractéristique de la rivière : une odeur à la fois légère et subtile, mélange de plantes aquatiques, de terre humide et de fleurs. Le mois de juin venait tout juste de naître, et le printemps tirait sa révérence, laissant la place à un été qui promettait des températures qui feraient apprécier aux L’Islois la fraîcheur de leur belle rivière.
On était mercredi et, comme tous les mercredis, le quai des Frères Mineurs connaissait une animation bien particulière. C’était jour de lessive, et les femmes avaient investi tous les lavoirs de la cité avec leurs corbeilles de linge, leurs battoirs et leurs sachets de lessive.
Déjà, les berges de la rivière résonnaient des rires et des commentaires des lavandières, manches retroussées, agenouillées sur la pierre du lavoir, qui trempaient leur linge dans l’onde claire.
Par moments, on voyait détaler une grosse truite qui préférait abandonner son habitat naturel à ces humaines qui, décidément, faisaient beaucoup trop de bruit à son goût.
De l’autre côté de la rue, juste en face du lavoir, Elyse Martin, la marchande de fleurs, installait ses compositions florales devant sa boutique, d’où s’exhalaient mille parfums qui embaumaient la rue.
C’était une jeune femme, à la chevelure blonde et frisée et aux yeux d’un bleu de saphir. Mince, toujours élégante, elle se remarquait facilement au milieu de ces Provençales à la peau brune et aux cheveux noirs. Pourtant, Roselyne était, elle aussi, une véritable Provençale. Sa blondeur provenait peut-être d’un ancêtre teuton égaré dans la région après les guerres napoléoniennes.
Sous le préau du lavoir résonnaient des rires et des conversations qui se mêlaient au brouhaha de la rue, où circulaient des voitures attelées dont les suspensions cliquetaient et grinçaient dans les ornières de la rue, souvenir d’un hiver rigoureux et surtout très pluvieux.
Mariette Monier et Violette Thibodet, toujours inséparables, riaient en se racontant à mi-voix des histoires de femmes. Violette, enceinte de huit mois, ne sortait plus qu’à l’occasion de ces lessives hebdomadaires. Mariette lui avait bien proposé de se charger de cette corvée, mais la jeune femme avait refusé. Il faut dire qu’après un début de grossesse difficile au cours duquel elle avait dû rester alitée, son état s’était subitement amélioré. À présent, elle avait besoin de quitter son appartement près du Mont de Piété.
Oui, c’était vraiment une belle journée qui n’allait pourtant pas tarder à être gâchée par un drôle d’événement.
— Mais qu’est-ce que c’est que cela ? demanda Mariette en désignant ce qui paraissait être une grosse souche qui venait de s’échouer sur le barrage, en face d’elle.
— C’est étrange, rétorqua Violette, on dirait que ça bouge.
— Ça pue drôlement en tout cas. On sent l’odeur d’ici, rétorqua Mistraline Fauque, une vieille femme bien en chair.
— Sûrement un animal crevé. C’est dégueulasse, moi je vais aller laver mon linge ailleurs, lança une autre lavandière.
— Il faut prévenir la mairie ! poursuivit une autre.
Mistraline Fauque poussa soudain un cri. De l’autre côté de la rivière, le courant venait de faire tourner la souche sur elle-même, et un bras levé avec les doigts de la main recroquevillés pointait vers le ciel. C’est à cet instant que les femmes se rendirent compte que si le corps semblait bouger ainsi, c’était parce qu’il était totalement recouvert d’écrevisses qui dépeçaient méticuleusement les chairs du cadavre.
Violette eut un haut-le-cœur et perdit connaissance dans les bras de son amie. Quant aux lavandières, elles s’enfuirent en abandonnant leur linge qui se mit à dériver lentement au fil du courant.